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Agence Picardie Presse
19 décembre 2006

Ségolène Royal prône une xénophobie encadrée

CORBEIL-ESSONNE, 16 décembre 2006 – Ségolène Royal s’est exprimé hier face à un panel de journalistes, de militants socialistes et de représentants de la société civile à la médiathèque municipale de Corbeil-Essonne (91). Objectifs de l’opération : faire taire les rumeurs infâmantes circulant à son compte suite à ses déclarations concernant le nécessaire « encadrement juridique de la xénophobie », et « repréciser » ses idées et ses thèmes de campagne pour 2007.

« Qui a dit que je n’avais pas d’idées pour le Parti Socialiste et pour la France ? » a-t-elle lancé au début de la conférence à un auditoire surchauffé et parfois hostile. « Là où d’autres préfèrent se taire, j’ouvre le débat sur des thèmes autrefois tabous, alors même qu’ils sont d’une importance vitale pour le succès de notre campagne et l’avenir de notre pays. Ce thème, c’est bien sûr celui de l’inégalité des races. »

« Mon but, c’est de réunir tous les Français dans un même projet. » a-t-elle poursuivi. « Pour réussir cette union, il est indispensable de ne négliger aucune problématique, et de répondre aux demandes de tous. Faire preuve de désintérêt envers les réactions des Français face à la délinquance et à l’incivilité dont ils sont victimes de la part des immigrés, est une attitude moralement insupportable, qui relève de la crispation idéologique plus que du réalisme politique. »

« C’est pourquoi je pense qu’il est légitime d’entendre ce que les Français ont à dire sur la question du lien entre immigration et délinquance. C’est une question de démocratie : puisque de nombreux Français sont racistes, il est nécessaire de mettre en œuvre des politiques visant à satisfaire leurs exigences. »

Arnaud Montebourg, porte-parole de l’équipe de campagne de Ségolène Royal depuis le 30 août 2006, approuve cette idée. « Longtemps, les hommes et les femmes politiques ont oublié qu’avant d’être les chefs des Français, ils en étaient les représentants. » a-t-il martelé en conclusion de la conférence-débat. « Ségolène n’est pas raciste, pas plus que moi d’ailleurs. Mais la politique n’est pas un chemin solitaire, et présider un pays comme la France, un pays démocratique, ce n’est pas imposer une ligne idéologique à la société. Être président de la République, c’est se mettre à l’écoute du peuple et faire ce qu’il a envie que nous fassions. Or, le peuple en ce moment est d’humeur xénophobe. C’est pourquoi je soutiens le projet de Ségolène visant à instituer un racisme d’État. »

« Il y a des gens qui me disent, l’apartheid n’est-il pas contraire à notre devise nationale : « Liberté, égalité, fraternité » ? À ces gens-là, je réponds : en quoi la liberté, l’égalité et la fraternité seraient-elles opposées au racisme ? Pour autant que je sache, on parle de Révolution française : la liberté, l’égalité et la fraternité, les Français les ont conquises pour eux-mêmes, pas pour les étrangers vivant sur leur sol. À ceux-ci, il faut répondre : la liberté, l’égalité et la fraternité, c’est d’accord, mais entre nous : ce sont des valeurs nationales et non universelles. »

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Face à un public hétéroclite, aux origines sociales et aux opinions politiques très diverses, l’argument fait mouche.

« J’trouve qu’elle a raison. » commente Bruno Helliard, étudiant en deuxième année d’Histoire de l’art à la faculté de Nanterre, qui a séché les cours pour assister à la conférence de Mme Royal. « J’veux dire, j’suis pas raciste, hein, mais si la plupart des gens le sont, je vois pas pourquoi on suivrait pas l’avis de la majorité. Après tout, l’année dernière, la majorité des gens étaient contre le CPE, et Villepin a retiré son projet. »

« Je suis venue sceptique, et je repars convaincue. » avoue Florence Palambier, institutrice à la retraite. « L’argument de M. Montebourg m’a beaucoup touché. Mais ce qui me paraît bien avec cette idée d’encadrer la xénophobie, c’est justement de mieux contrôler et juguler les actes racistes, tout en permettant aux pulsions ethnocentriques de la population de s’exprimer. Comme d’habitude avec Mme Royal, on fait d’une pierre deux coups. »

Le projet de la candidate socialiste aux élections présidentielles de 2007 concernant l’encadrement de la xénophobie est en effet assez poussé. Il vise à mettre en place un système de quotas d’actes de haine raciale, que les PME, discothèques, boîtes d’intérim, clubs de foot et autres organisations d’extrême-droite devront respecter, sous peine de se voir infliger de lourdes sanctions financières.

« C’est très simple. » a affirmé Ségolène Royal lors de la conférence. « Plutôt que de ne rien faire et de laisser la discrimination se pratiquer de manière sauvage et anarchique, nous allons l’encadrer par des règles, afin d’instaurer un ordre racial juste. »

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« Pour cela, nous avons pris exemple sur le système mis en place par le protocole de Kyoto, qui vise à lutter contre l’effet de serre en incitant les entreprises à dépolluer, a-t-elle poursuivi. Comme le protocole instaure un marché de droits à polluer, nous allons mettre en place un système de droits à discriminer. Ces titres émis par la Banque Centrale autoriseront divers actes racistes dont nous fournirons une liste indicative aux différents acteurs sociaux. Ils seront payants et échangeables, c'est-à-dire que toute entreprise qui n’en fera pas usage aura la possibilité de revendre ses droits à discriminer. »

« Bien évidemment, toute discrimination non autorisée par la possession de tels droits sera sévèrement punie. Au final, nous inciterons les entreprises et les associations à ne faire aucune différence entre les Hommes, puisque les « bons élèves » auront droit à une prime à la revente de leurs droits. C’est donc par ce système d’incitation que, graduellement, nous arriverons à faire baisser le racisme en France. »

Une mesure qui, si elle venait à s’appliquer, ferait le bonheur des acteurs économiques et de la société civile. « J’ai fait mes calculs, explique Didier X***, supporteur du PSG. L’association culturelle dont je fais partie dont je fais partie collecte suffisamment d’argent pour acheter quarante-cinq actes racistes par an. Ça veut dire que, légalement, on pourra tabasser jusqu’à quarante-cinq Arabes. C’est un chiffre inférieur à notre moyenne actuelle, mais au moins cela nous protégerait de la police. » 

Cet avis positif est partagé par Betty Johansen, directrice d’une usine Ikéa à Langres (52). « Ikéa a toujours respecté une charte de non-discrimination vis-à-vis de ses employés, que ce soit à l’embauche ou dans leur travail. » déclare-t-elle par téléphone à notre reporter. « Si Mme Royal venait à être élue présidente et mettait en œuvre sa politique d’encadrement de la xénophobie, mon établissement se verrait attribué de nombreux bonus financiers, car nous pourrions revendre nos droits à discriminer à la concurrence. Des bonus financiers qui pourraient bien faire la différence si je devais un jour convaincre la direction d’Ikéa de ne pas délocaliser l’usine. » 

Il n’empêche que le projet de Ségolène Royal ne fait pas que des heureux. « L’idée est intéressante, mais elle me paraît impossible à mettre en œuvre efficacement. » nous confie Dominique Strauss-Kahn, ancien « candidat à la candidature » socialiste pour 2007. « Notre pays n’a pas les moyens, en termes de personnel, de surveiller convenablement chaque entreprise pour s’assurer qu’elle ne dépasse pas ses quotas de discrimination. Le risque est donc d’autoriser légalement une certaine dose de racisme, tout en n’empêchant pas le racisme illégal de s’exercer par ailleurs. »

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D’autres socialistes mettent en avant la difficulté du financement d’une telle mesure, ou encore soulèvent le problème de la définition juridique de la discrimination.

Transcendant ces critiques en les reprenant, l’économiste Jacques Marseille s’interroge dans L’Express sur la viabilité d’un marché de droits à non-discriminer.

« Le problème, explique-t-il dans son dernier éditorial, c’est que ce nouveau bien économique, le droit de discriminer, renvoie à des actions à l’utilité économique très variable. En clair, un droit à discriminer aura le même prix quelle que soit la manière dont il sera utilisé. Or vous imaginez bien que tabasser un nègre est un geste autrement plus jouissif que de simplement lui refuser un emploi qualifié. »

« Pour que le marché fonctionne de manière plus transparente et plus fluide, conclut-il, il faudrait assigner une valeur spécifique à chacun de ces actes racistes, et donc imprimer différents types de droits à discriminer, chacun ayant son propre prix fixé par le marché. »

Mais en dépit de ces quelques critiques, le thème de l’ « ordre racial juste » ne soulève guère de protestations, même à la gauche du PS.

« Tout le monde garde en mémoire le traumatisme du 21 avril 2002. » résume Gisèle Denis, membre de la section roubaisienne des Jeunesses Socialistes. « En l’espace d’une minute, les socialistes ont pris conscience qu’ils n’étaient plus en phase avec les aspirations profondes de l’électorat populaire, dont ils cherchent pourtant à défendre les intérêts. Une carence à laquelle Mme Royal s’efforce de remédier. »

« Personne ici ne veut voir une répétition du second tour de 2002. » appuie Jérôme Trondheim, son petit ami. « Il nous faut récupérer une partie de l’électorat populaire que Le Pen nous a volé, et pour cela, il faut voler à Le Pen certaines de ses idées. Cela va à l’encontre de nos idéaux, mais c’est un sacrifice nécessaire pour s’assurer de la victoire en 2007. »

« L’objectif de Mme Royal, c’est de réconcilier les racistes avec la gauche. » résume Gisèle. « Si l’on donne aux racistes l’opportunité de se tourner vers un autre parti que celui de M. Le Pen, on recentre le débat non sur des questions ethniques, mais sur les vrais enjeux, c'est-à-dire les enjeux économiques, qui constituent le vrai point de rupture entre la gauche et la droite dans notre pays. »

Un point de vue que partage Laurent Fabius, ancien challenger de Mme Royal à présent rentré dans le rang. « Dans les années 1960-1970, on avait une mairie communiste à Corbeil-Essonne. » rappelle-t-il dans son blog personnel, www.laurentfabius.canalblog.com. « Aujourd’hui, le maire est à l’UMP et s’appelle Serge Dassault. C’est tout de même révélateur. Pour reconquérir le peuple, il nous faut reprendre les thèmes dont nous avons laissé le monopole à la droite, voire à l’extrême-droite. Au nationalisme intégral de Le Pen, il faut opposer un nationalisme de gauche, un national-socialisme si vous préférez. »

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Pour le commentateur politique Olivier Duhamel, la stratégie des socialistes est audacieuse. « La rhétorique de l’ordre racial juste va faire du bruit dans les cités. » suppute-t-il dans un billet d’humeur publié hier dans le Nouvel Observateur. « Cependant, il faut arrêter de penser que les immigrés sont tous de gauche et que le PS se priverait d’une véritable manne électorale en intégrant la xénophobie à son programme. Prenez les Arabes, par exemple. Actuellement, ils ont une attitude misérabiliste et votent plutôt à gauche, parce qu’ils sont au chômage ; mais au fond d’eux-mêmes, ces gens-là sont de droite. Il n’y a qu’à écouter ce qu’ils ont à dire sur le statut des femmes, la libération sexuelle ou la place de la religion dans la société pour s’en rendre compte. »

« Évidemment, la gauche revient sur certaines de ses valeurs. » ajoute-t-il. « Mais d’un point de vue pragmatique, il n’y a que Ségolène qui peut battre la droite en 2007. Pour moi, c’est elle. »

Un enthousiasme que M. Le Pen considère avec sarcasme : « Mme Royal aura beau gesticuler et multiplier les interventions dans des médias acquis à sa cause, elle devrait se rappeler qu'on préfère généralement l’original à la copie. ».

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Par notre envoyé spécial à Corbeil-Essonne, Childéric Wilson.

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Commentaires
A
Ségolène en a rêvé Sarko l'a fait!
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